« L'éradication des glioblastomes nécessitera de cibler les états dynamiques plutôt que les entités individuelles. L'objectif de DIOMEDES est de révéler les facteurs déterminants de la plasticité et de l'échappement au traitement. Cela devrait aider à identifier les différents mécanismes d'évasion au sein des tumeurs, permettant potentiellement des approches thérapeutiques plus ciblées pour les patients. »
Anna Golebiewska, PhD
Démasquer un cancer agressif ayant la capacité de modifier son apparence et son comportement afin d'échapper au traitement
Le glioblastome (GBM) est une forme de cancer très agressive qui se développe dans le cerveau et qui laisse les malades avec une durée de survie moyenne de seulement 12 à 18 mois. Et ce, malgré les nombreux traitements disponibles, notamment les interventions chirurgicales, les radiations et les chimiothérapies. Le problème est qu'avec les outils actuels, il est pratiquement impossible d'empêcher les tumeurs de resurgir.
La complication avec les tumeurs GBM, c'est qu'elles sont loin d'être simples, car elles contiennent une population très diverse de cellules interactives, y compris des cellules ayant des propriétés de cellules souches.
Les GBM forment un écosystème dynamique, où des cellules tumorales interagissent avec leur entourage (microenvironnement tumoral) pour établir différentes niches, chacune ayant ses propres caractéristiques. L’équipe du Luxembourg Institute of Health (LIH) a découvert plus récemment que les cellules tumorales de GBM ont la capacité de modifier en permanence leur apparence et leur comportement en fonction de leur environnement. Cette "plasticité" des cellules de GBM peut être une raison expliquant l’inévitable résistance aux traitements, et en fait l'ennemi parfait, capable de s'adapter et de changer pour éviter les menaces potentielles.
Une nouvelle approche pour cibler les GBM
Actuellement, la compréhension des mécanismes qui permettent au GBM de s'adapter et donc de résister au traitement est limitée. Contrairement aux autres cancers solides, comme le cancer du poumon, il n'existe pas de facteur génétique unique gouvernant ce processus. Les changements à long terme observés dans les tumeurs GBM récurrentes sont plutôt notés au niveau de l'organisation du microenvironnement tumoral et de l'équilibre entre les diverses cellules tumorales au niveau individuel. Les états cellulaires interagissent de manière dynamique les uns avec les autres, et avec le cerveau environnant pour former un écosystème tumoral flexible, qui permet une adaptation rapide à la pression extérieure, y compris au traitement. Il est donc temps d'adopter une nouvelle approche lorsqu'il s'agit de cibler les GBM : si sa force principale est sa capacité à se transformer et à se déguiser, c'est peut-être cela qui devrait être la cible, permettant potentiellement à d'autres traitements d'agir sur un ennemi démasqué.
Il faut donc mieux comprendre l'apparition d'états résistants et les modifications de l'écosystème tumoral après un traitement, y compris les mécanismes de résistance au niveau de la cellule individuelle, pour concevoir des thérapies efficaces ciblant soit la plasticité intrinsèque de la tumeur, soit le microenvironnement tumoral.
La Fondation Cancer a cofinancé avec le FNR le projet DIOMEDES pour un montant de 510 000 €
Collaboration de la Fondation Cancer avec le Fonds National de la Recherche
DIOMEDES : de nouvelles stratégies pour "immobiliser" une cible mouvante
« Les cellules de GBM adaptent constamment leurs caractéristiques et leur comportement lorsqu'elles sont soumises à une pression extérieure telle qu'un traitement médical. Il reste à établir combien de ces changements sont rapides et réversibles et combien sont maintenus par les tumeurs bien après le traitement, » explique Dr Golebiewska.
DIOMEDES est un projet interdisciplinaire visant à évaluer la composition des GBM après traitement. Le projet, dirigé par le Dr Anna Golebiewska, responsable de l'équipe de neuro-oncologie NORLUX du Department of Cancer Research du LIH, et en partenariat avec Dr Peter Nazarov, responsable du Multiomics Data Science Group, tirera parti des compétences complémentaires des deux groupes.
- Le glioblastome est le plus
agressif des types de tumeurs
qui se développe dans le cerveau. - Avec les traitements actuels,
seulement 5,3 % des patients
atteints de GBM survit au-delà
de 5 ans. - Le glioblastome a un taux
de récurrence proche de 100 %.
La clef du succès sera l'utilisation de modèles précliniques avancés, dérivés directement de cellules viables provenant de tumeurs de patients, qui permettront aux chercheurs d'étudier le comportement de l'écosystème GBM "en temps réel". Contrairement aux simples cultures cellulaires classiques, ces avatars de patients reflètent fidèlement les principales caractéristiques biologiques, histologiques et génomiques de la tumeur originale du patient et permettent d'évaluer la réponse d'un patient à un traitement spécifique.
« De puissants algorithmes de calcul, ainsi que l'intelligence artificielle, seront nécessaires pour révéler les types de résistance aux traitements, » ajoute le Dr Nazarov. « L'évaluation de l'hétérogénéité moléculaire des GBM traités au niveau de la cellule individuelle révélera ce qui les rend sensibles ou résistants aux traitements, et comment cela est influencé par le microenvironnement tumoral. »
Les organoïdes de GBM (à gauche), l’un des types d’avatars de patients d'environ 300µm à 2 mm, imagés lorsqu'ils sont magnifiés (à droite), présentent une structure tissulaire hétérogène comparable aux tumeurs des patients. Leur mélange dynamique d'états cellulaires est ce qui les rend capable de résister aux effets toxiques des traitements.
Des solutions concrètes, «du laboratoire au patients»
Selon Dr Nazarov : « L'objectif principal de DIOMEDES est d'identifier de nouvelles stratégies pour cibler les mécanismes de résistance des GBM. Nous avons l'intention d'évaluer la composition des tumeurs individuelles avant et après la chimiothérapie standard ainsi que les nouveaux traitements ciblés. Nous appliquerons des technologies moléculaires de pointe combinées à une analyse informatique puissante, afin d'étudier les écosystèmes tumoraux. »
En révélant les modes et les régulateurs des états de résistance au traitement du GBM, les résultats permettront d'élucider des cibles thérapeutiques potentielles pour des stratégies de traitement combinatoire innovantes. L'évaluation de la composition de la tumeur avant et après le traitement peut révéler des biomarqueurs prédictifs de la réponse, ce qui pourrait conduire à une meilleure stratification des patients pour des thérapies personnalisées. L'équipe créera un outil bioinformatique qui permettra à d'autres chercheurs d'utiliser leurs puissants algorithmes d'apprentissage automatique pour évaluer la composition précise des tumeurs différents.
« Notre projet est bien intégré dans le cycle translationnel Bed-to-Bench-to-Bed (Lit du patient - Paillasse du chercheur – Lit du patient) : nous utiliserons le profilage moléculaire des tumeurs des patients, suivi d'un traitement médical d’ avatars de patients pour révéler de nouvelles cibles qui pourraient être appliquées dans les essais cliniques, » conclut Dr Golebiewska.
Anna Golebiewska (PhD)
Le Dr Anna Golebiewska dirige le laboratoire de neuro-oncologie NORLUX au Department of Cancer Research du LIH, avec le professeur Simone Niclou. Grâce à une approche radicalement translationnelle à la recherche, son équipe s'efforce d'étudier les bases cellulaires et moléculaires des GBMs, leur capacité à envahir le cerveau et à échapper à la thérapie.
Petr Nazarov (PhD)
Le Dr Petr Nazarov dirige le Multiomics Data Science Group au Department of Cancer Research et la Bioinformatics platform du LIH. Son expertise réside dans l'analyse génomique et transcriptomique des tumeurs. Avec son groupe, il se concentre sur le développement de méthodes informatiques et statistiques avancées d'analyse et d'interprétation des données biomédicales.
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