« L’échappement des tumeurs aux cellules immunitaires cytotoxiques est un obstacle majeur à l’efficacité de nombreuses approches d’immunothérapie. Une meilleure compréhension des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la résistance des tumeurs au système immunitaire est indispensable au développement d’immunothérapies plus efficaces. »
Dr Clément Thomas (Luxembourg Institute of Health)
L’immunothérapie : une approche prometteuse mais perfectible
L’apparition d’anomalies (mutations) dans les cellules et la multiplication anarchique de ces cellules peuvent conduire à l’apparition de tumeurs. En général, les cellules anormales sont rapidement identifiées et efficacement détruites par les cellules immunitaires qui patrouillent dans l’organisme. Pour survivre et former une tumeur, les cellules cancéreuses doivent développer des mécanismes de protection qui neutralisent ou réduisent l’efficacité du système immunitaire.
L‘immunothérapie définit un ensemble d’approches visant à réactiver ou stimuler la réponse immunitaire afin de contrôler, voire éradiquer, le cancer. L’utilisation clinique de plusieurs de ces approches a été approuvée pour le traitement de plus de 20 types de cancers. Malheureusement, si en théorie l’immunothérapie a le potentiel de pouvoir traiter la majorité des cancers, en pratique elle ne fonctionne que chez un nombre restreint de patients. Par ailleurs, l’immunothérapie n’est pas exempte d’effets indésirables et des biomarqueurs sont utilisés par les médecins pour prédire quels sont les patients susceptibles de répondre à un type d’immunothérapie. Il est primordial de comprendre les raisons de la résistance de certaines tumeurs à l’immunothérapie afin de développer des approches de contournement permettant d’améliorer le taux de réponse et l’efficacité des traitements.
La Fondation Cancer a cofinancé avec le Fonds National de la Recherche, le projet SYNOPODIA pour un montant de 426 000 €.
Collaboration de la Fondation Cancer avec le Fonds National de la Recherche
La synapse immunologique : un champ de bataille entre cellules immunitaires et cellules cancéreuses
Les lymphocytes cytotoxiques (cellules immunitaires tueuses) jouent un rôle central dans la défense de l’organisme contre les cellules cancéreuses. Ils interagissent physiquement avec les cellules cancéreuses par le biais d’une interface spécialisée nommée « synapse immunologique ». La synapse immunologique est indispensable à la reconnaissance et l’élimination des cellules cancéreuses. Suite à leur activation, les lymphocytes cytotoxiques libèrent des molécules toxiques dans la synapse immunologique. Ces molécules s’accumulent dans la synapse et induisent la perforation et la mort des cellules cancéreuses.
Dans le projet SYNAPODIA, l’équipe du Dr Clément Thomas (département Cancer Research du LIH), concentra son attention sur le côté tumoral de la synapse immunologique - qui reste relativement peu exploré à ce jour en comparaison du côté immunitaire. Sur la base de récents résultats, l’équipe pense que les cellules cancéreuses peuvent altérer la morphologie et le fonctionnement de la synapse immunologique pour échapper aux lymphocytes cytotoxiques.
Un bouclier moléculaire pour échapper à la réponse immunitaire
Grâce à des techniques de microscopie à haute résolution permettant d’observer des cellules vivantes, l’équipe du Dr Thomas a récemment découvert que les cellules cancéreuses n’attendent pas passivement leur élimination par le système immunitaire. Au contraire, elles peuvent répondre rapidement à l’attaque de lymphocytes cytotoxiques en modifiant localement leur architecture et en déployant une sorte de bouclier moléculaire qui empêche la formation d’une synapse immunologique fonctionnelle.
Un des objectifs principaux du projet SYNAPODIA est de caractériser en détail la nature et composition de ce bouclier moléculaire afin de comprendre comment il protège les cellules cancéreuses de la mort induite par les lymphocytes cytotoxiques et de concevoir de nouvelles stratégies pour restaurer une réponse immunitaire efficace contre les tumeurs.
En effet, des recherches antérieures ont révélé que le blocage de la formation du bouclier moléculaire suffit à rendre les cellules cancéreuses sensibles à la destruction par les lymphocytes cytotoxiques. Inversement, des modèles expérimentaux ont montré qu’une stimulation de la capacité des cellules cancéreuses à élaborer un bouclier moléculaire résulte en une résistance accrue aux lymphocytes. La caractérisation du bouclier moléculaire représenterait une percée scientifique ayant des retombées importantes sur la recherche fondamentale et la recherche translationnelle (qui a pour but de convertir les découvertes en innovations cliniques). Ce mécanisme de protection semble être commun à plusieurs types de cancers, comme le cancer du sein, des ovaires, de la peau, du cerveau et du poumon ; les découvertes du projet pourraient donc avoir des implications pour le traitement de différents cancers.
Désarmer les tumeurs pour les rendre sensibles à l’immunothérapie
Le projet SYNAPODIA s’articule autour de trois objectifs principaux :
1 : Disséquer la structure et la composition moléculaire du bouclier déployé par les cellules cancéreuses afin d’identifier des cibles thérapeutiques potentielles pour abolir la résistance des cellules tumorales à l’attaque des lymphocytes cytotoxiques.
2 : Caractériser en détail les altérations systémiques du microenvironnement immunitaire tumoral induites par le bouclier. Des résultats préliminaires suggèrent que parallèlement à son rôle de protection, le bouclier pourrait désactiver durablement les lymphocytes cytotoxiques et leur faire perdre leur capacité à attaquer d’autres cellules cancéreuses.
3 : Evaluer le potentiel thérapeutique du ciblage du bouclier en combinaison avec des traitements d’immunothérapie existants.
« Nous pensons que le mécanisme d’évasion immunitaire sur lequel nous nous focalisons dans ce projet est une cause importante de la résistance des tumeurs à l’immunothérapie, » explique le Dr Thomas. « Nous devons maintenant étudier les voies moléculaires sous-jacentes à ce mécanisme et identifier les composants moléculaires qui pourraient servir de cibles thérapeutiques pour le traitement du cancer. Notre projet a le potentiel de jeter les bases de nouvelles stratégies pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie et la rendre opérationnelle dans un plus grand nombre de patients. »
Bibliographie du Dr Clément Thomas
- Né le 21/11/1975
- Nationalité : FR
- Group leader du groupe Cytoskeleton & Cancer Progression dans le département d’Oncologie du LIH depuis 2015.
En savoir plus sur le projet SYNOPODIA
Dirigé par le Dr Thomas, le projet SYNOPODIA vise à mieux caractériser le côté tumoral de la synapse immunologique et à établir sa fonction dans la résistance des cellules cancéreuses aux lymphocytes cytotoxiques.
L’objectif de sa recherche est de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour prévenir ou stopper la dissémination des tumeurs dans l’organisme (ou métastase) et rétablir une réponse immunitaire antitumorale efficace. Son expertise est centrée sur le cytosquelette, textuellement : le squelette des cellules.
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