Découverte d’un nouveau point d’attaque pour traiter le cancer de la prostate

L’inhibition de « l’épissage alternatif » représente une nouvelle option thérapeutique possible du cancer de la prostate résistant à la castration. Dans le cadre d’un projet de recherche soutenu par la Fondation Cancer, deux chercheurs luxembourgeois livrent les fondements de biologie moléculaire pour une approche thérapeutique nouvelle pour traiter le cancer de la prostate.

06 décembre 2024
Frédéric Santer

Presque tous les stades du carcinome de la prostate sont fortement dépendants des androgènes, les hormones sexuelles masculines. Les signaux des androgènes, comme la testostérone et la dihydrotestostérone, sont transmis par le récepteur des androgènes (RA), une protéine de la famille des récepteurs nucléaires. C’est pourquoi l’inhibition des signaux transmis par le récepteur des androgènes constitue un aspect central des approches thérapeutiques endocriniennes (hormonales). Malheureusement, les thérapies endocriniennes ne sont pas encore en mesure d’inhiber durablement la croissance de la tumeur, si bien que la tumeur progresse presque immanquablement, avec la formation de cellules dites résistantes à la castration. Ces cellules sont en mesure de survivre et de poursuivre leur croissance, et ce malgré un faible taux d’androgènes ou la prise d’anti-androgènes.

Les chercheurs ont découvert récemment un mécanisme permettant aux cellules du cancer de la prostate d’échapper aux thérapies endocriniennes : la synthèse de variants du récepteur des androgènes (RA-V) tronquées, auxquels il manque ce qu’on appelle le domaine de liaison aux androgènes. Malgré cette perte de liaison aux androgènes, ces variants peuvent, contrairement au récepteur des androgènes « normal », induire une croissance et une progression de la tumeur même en l’absence de stimuli androgènes. Les variants du RA ne peuvent pas non plus être inhibées par des anti-androgènes. Ils résultent d’un épissage alternatif, un mécanisme biomoléculaire qui permet aux cellules de former différents variants de protéines à partir d’un même gène. Cela garantit par voie de conséquence une meilleure adaptation des cellules à un changement de leurs conditions de vie. Dans certains carcinomes de la prostate, l’activation de l’épissage alternatif induit l’expression du RA « normal », mais aussi d’un variant constitutivement actif du RA, le RA-V7. Cette expression entraîne une baisse considérable de l’efficacité des thérapies endocriniennes.

Cette étude a permis de découvrir une légère altération (polymorphisme de nucléotide unique, SNP) dans le gène du RA, qui pourrait se révéler utile dans la prédiction de la sensibilité aux anti-androgènes.
Schéma Projet de recherche Dr Santer

Dans une étude parue le 11 septembre 2024 dans Molecular Oncology, la revue partenaire de l’Association Européenne pour la Recherche sur le Cancer (EACR), un groupe international de chercheurs (sous la direction de Frédéric Santer, Clinique urologique universitaire, université de médecine d’Innsbruck, en collaboration avec Marcus Cronauer, Institut de pathologie, Centre hospitalier universitaire de Bonn) est parvenu à identifier des facteurs d’épissage alternatif à l’origine du variant RA-V7. Il a par ailleurs établi que des inhibiteurs de l’épissage entraînent une réduction de l’expression du RA-V7 et l’inhibition de la croissance des cellules cancéreuses de la prostate. Ces substances pourraient être ainsi une classe de médicaments nouvelle et prometteuse pour traiter le carcinome de la prostate.

Ce projet de recherche bénéficie d’une aide d’un montant total de
404 914 €.

 

« Grâce au soutien des donateurs de la Fondation Cancer, nous avons été en mesure de décrypter un mécanisme moléculaire clé intervenant dans le cancer de prostate résistant à la castration et de jeter les bases d’une nouvelle option thérapeutique possible. »

Dr Frédéric Santer

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