Cancérologie : quelles nouveautés en 2024 ?

Lors de l'ASCO 2024, d'importantes avancées ont été dévoilées dans les domaines de l'oncologie et de l'hématologie. Ces nouveautés, qui pourraient transformer les approches thérapeutiques actuelles, touchent notamment les cancers digestifs, du sein, gynécologiques, ainsi que le mélanome et les cancers hématologiques. Cet article, rédigé par le Dr Carole Bauer, Présidente de la Fondation Cancer, met en lumière les découvertes les plus significatives et leur potentiel impact sur la prise en charge des patients.

22 août 2024
Les dernières avancées en oncologie dévoilées lors de l'ASCO 2024

A l'ASCO 2024 plusieurs avancées majeures ont été présentées dans le domaine de l'oncologie et de l'hématologie, avec des résultats significatifs dans divers types de cancer.

Je vous présente celles qui me paraissent les plus importantes.

Dr Carole Bauer, Présidente de la Fondation Cancer
Dr Bauer, Présidente de la Fondation Cancer

Les nouveautés dans les cancers digestifs

Dans les adénocarcinomes de l'oesophage ou de la jonction gastro-oesophagienne on pouvait jusqu'à cette année proposer aux patients non métastatiques soit une radio-chimiothérapie préopératoire (CROSS) ou une chimiothérapie périopératoire. 
L'Etude ESOPEC compare ces 2 pratiques et montre une amélioration de la survie globale de 50,6% vs 38,7 % à 5 ans en faveur de la chimiothérapie. Ceci doit donc changer nos pratiques de prise en charge de ce type de cancer et favoriser la chimiothérapie.

MSI signifie instabilité de microsatellites: les cellules MSI-High ne peuvent pas corriger les erreurs qui surviennent pendant la réplication de l'ADN. Les cancers MSI surviennent soit de façon sporadique ou peuvent être liés à un syndrome: le syndrome de Lynch qui favorise la survenue de plusieurs cancers.

Les cancers du rectum qui sont MSI représentent environ 5%, une étude de 2022 publiée dans le NEJM avait montré une réponse spectaculaire chez des patients traités par immunothérapie au lieu de la radio-chimiothérapie classique. 
A l'ASCO de cette année il y a eu un update, les 48 patients traités par immunothérapie ont tous eu une réponse complète et n'ont pas eu besoin ni de chimiothérapie, ni de radiothérapie, ni de chirurgie. Le délai de réponse était cependant parfois long ( 6 mois). Ceci montre l'importance de rechercher les tumeurs MSI avant de débuter un traitement dans le cancer du rectum.

Chez des patients atteints d'un cancer du colon avec des métastases uniquement au niveau du foie mais qui ne sont pas opérables, l'étude TransMET compare la chimiothérapie suivie d'une transplantation hépatique à un traitement classique par chimiothérapie seule. Les résultats sont assez impressionnants avec une augmentation importante de la survie globale à 5 ans (57 vs 13 %) Il s'agit d'une petite étude avec seulement 94 patients inclus.

 

Les nouveautés dans le cancer du sein et les cancers gynécologiques

Dans le cancer du sein localisé sensible aux hormones à haut risque de récidive, l'étude Natalee montre que l'ajout du ribociclib pendant 3 ans après la chirurgie même chez les patientes qui n'ont pas d'atteinte ganglionnaire montre un bénéfice en récidive sans rechute.(93,2% vs 90,6).

L'étude PEARLY confirme que dans les cancers du seins triple négatifs localisés, l'ajout de la Carboplatine est bénéfique avant ou après la chirurgie.

Les ADC sont une nouvelle classe de médicaments très innovants qui comportent un anticorps qui se fixe sur les cellules cancéreuses pour faire rentrer la chimiothérapie dans les cellules pour les détruire. Le trastuzumab-deruxtecan est un tel ADC: le trastuzumab, l'anticorps se fixe sur le Her2neu pour libérer la chimiothérapie. Ce médicament est utilisé dans les cancers du sein exprimant le Her2neu, mais a aussi montré son efficacité chez les cancers n'exprimant que peu Her2neu et qu'on considérait comme Her2neu négatifs jusque récemment.

L'étude DESTINY Breast06 a montré un avantage d'utiliser le trastuzumab-deruxtecan, cette nouvelle classe de traitement, avant d'utiliser la  chimiothérapie classique chez les patients ayant un cancer du sein métastatique hormonosensible et Her2neu bas ou même extrêmement bas. Ce traitement innovant peut donc être utilisé chez la quasi totalité des patients ayant un cancer hormonosensible métastatique. Ce traitement doit être utilisé après le traitement hormonal.

L'étude CARACO dans le cancer de l'ovaire a confirmé l'absence d'intérêt d'un curage ganglionnaire pelvien et lombo-aortique chez les patientes avec un cancer de l'ovaire de stade III-IVa. L'absence de besoin d'utiliser ce geste rend les suites opératoires plus simples.
L'étude AGO-OVAR a montré l'absence de bénéfice de l'ajout de l'immunothérapie dans les cancers de l'ovaire récidivants résistants aux sels de platine. Une étude précédente avait déjà montré l'absence d'efficacité chez les cancers de l'ovaire sensibles aux sels de platine. Malheureusement jusque maintenant l'immunothérapie ne fonctionne pas dans le cancer de l'ovaire.

L'étude PEARLY confirme que dans les cancers du seins triple négatifs localisés, l'ajout de la Carboplatine est bénéfique avant ou après la chirurgie.

Les nouveautés dans le mélanome

Dans le mélanome localisé de stade III (avec un ganglion palpable) l'étude NADINA a comparé 2 cycles d'une double immunothérapie (Nivolumab et Ibilimumab) avant la chirurgie versus le traitement standard (immunothérapie ou dabrafenib et trametinib) pendant 1 an après la chirurgie. Si l'immunothérapie avant la chirurgie n'était pas assez efficace les patients recevaient le traitement standard après la chirurgie. Les patients ayant eu une très bonne réponse n'avaient pas d'autre traitement. Les résultats de l'étude sont très spectaculaires et montrent une diminution de 70% de récidives à 1 an avec une durée de traitement qui est beaucoup moindre.

Les nouveautés en hématologie

Dans le lymphome de Hodgkin à forte masse tumorale, l'étude de phase 3 GHSG a montré que le traitement associant plusieurs chimiothérapies de type BrECADD est plus efficace avec une survie sans progression à 4 ans de 94,3% que l'association classique de type BEACOPP. En plus d'une meilleure efficacité, il y a moins d'effets secondaires surtout au niveau gonadique. La récupération de la fonction gonadique est de 95,7% avec le nouveau schéma versus 73,4%. Ceci devra donc changer les pratiques de traitement de ce lymphome.

Ma collègue le Dr Modugno m'a gentiment écrit la partie sur l'oncologie thoracique qui a été très riche

Pour le cancer du poumon à petites cellules localement avancé inopérable jusqu'à présent ces patients étaient traités par une combination de radiothérapie et de chimiothérapie. Dans l'étude ce traitement est suivi de 2 ans d'immunothérapie. L'étude ADRIATIC a montré une augmentation de survie importante avec ce traitement ( 55,9 vs 33,4) mois. Ceci change donc pour la première fois en 40 ans nos pratiques de traitement dans ce type de cancer. 

Le deuxième changement concerne le cancer non à petites cellules localement avancé de stade III présentant une mutation EGFR. L'étude LAURA montre qu'après une combination de chimiothérapie et de radiothérapie le fait de rajouter un traitement ciblé par la molécule Osimertinib (Tagrisso) qui se prend en comprimé pour une durée encore incertaine améliore la survie sans progression de 84%. Les données de survie globale ne sont pas encore prêts. Ce résultat est spectaculaire et devient le nouveau traitement standard pour ces patients.

L'étude Crown renforce l'utilisation en premier choix de traitement des cancers pulmonaires non à petites cellules métastatiques de la molécule Lorlatinib en cas de présence de la mutation ALK.

L'étude Crown renforce l'utilisation en premier choix de traitement des cancers pulmonaires non à petites cellules métastatiques de la molécule Lorlatinib en cas de présence de la mutation ALK.

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