L'importance de considérer la santé sexuelle
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé sexuelle est considérée comme un « état de bien-être physique, émotionnel, mental associé à la sexualité ». Elle est fondamentale à la santé et le bien-être général des individus et des couples.
Malheureusement la santé sexuelle n’est toujours pas assez prise en compte dans le monde des soins oncologiques. Cancer et sexualité reste un double tabou ; que ce soit par gêne, manque de temps ou de connaissance, les patients et le corps médical ont souvent du mal à l’aborder. Pourtant le cancer et ses traitements peuvent impacter la santé sexuelle de la personne atteinte de cancer. Et le partenaire lui aussi peut rencontrer des difficultés suite aux bouleversements et à la détresse liée à la maladie, ce qui peut être une source de conflits et une charge supplémentaire pesant sur la relation de couple. Ainsi la vie sexuelle, passe souvent au second plan, considérée comme prix à payer pour survivre à une maladie grave.
C’est pourquoi il est important de sensibiliser, d’informer et de légitimer les demandes et la prise en charge.
Il est important de briser le tabou de cancer et sexualité pour améliorer le bien-être des personnes atteintes de cancer et leurs conjoint(e)s.
La sexualité est souvent mise entre parenthèses pendant les traitements, car selon l’étape du parcours, d'autres sujets monopolisent l’attention du patient: la peur de l’inconnu lors de la phase d’attente du diagnostic, le choc à l’annonce de ce dernier, l’épreuve des traitements et la gestion des effets secondaires. Puis, la peur de la récidive ou de la mort, la réalisation qu’il n’y a plus de « comme avant la maladie », et l’acceptation d’une normalité désormais différente occupent souvent toute son attention.
Le stress, la peur et la dépression sont des freins puissants à une sexualité épanouie
L’impact des opérations sur la santé sexuelle
Céline, 42 ans, mariée depuis neuf ans, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2019 :
« Au début, je n’osais pas me montrer nue devant mon mari. Je n’aimais plus mon corps et je pensais qu’il ne l’aime pas non plus. J’avais peur de le dégoûter. Et lui, sentant ma réticence, n’osait pas me toucher à l’endroit de la cicatrice par peur de me faire mal. Quand j’ai su qu’il y a une sexologue à la Fondation Cancer, je n’ai pas hésité pas à prendre rendez-vous. Elle m’a aidée à retrouver mon estime et à accepter mon corps. Petit à petit, et après quelques consultations de couple, j’ai compris que mon mari m’accepte comme je suis, mais que c’était surtout ma peur du rejet qui nous empêchait de revivre notre sexualité sereinement. »
Retrouver une sexualité épanouie est souvent difficile pour une femme atteinte d’un cancer du sein. Son corps a changé trop vite suite aux traitements et sa féminité est mise en péril par les effets secondaires des traitements. Perte de cheveux, altérations de poids, cicatrices ou même ablation d’un sein, tout cela peut fortement entamer l'estime de soi (sexuelle) et ainsi diminuer sa capacité de séduction. Comme chez Céline, un cercle vicieux peut se déclencher : la femme peut penser ne plus être attractive et que son partenaire ne l’aime plus, la trouve même dégoûtante suite aux changements physiques. Elle commence à cacher son corps par gêne ou honte ce qui peut amener à un retrait, une isolation. Et cet évitement de la vie intime et sexuelle impacte la qualité du couple…
Que ce soit une cicatrice, une stomie suite à un cancer de la vessie ou colorectal, une prostatectomie radicale chez un homme atteint de cancer de la prostate ou une mastectomie chez une femme atteinte de cancer du sein, les séquelles parfois lourdes d’une intervention chirurgicale peuvent avoir un impact négatif sur l’image corporelle, l’intégrité et l’identité de la personne. Son estime de soi peut en être affectée ainsi que sa vie intime et sexuelle.
Le cancer de la prostate reste le cancer le plus fréquent chez l’homme et certainement aussi le cancer qui affecte le plus sa santé sexuelle.
Robert, 59 ans, en couple depuis 18 ans, cancer de la prostate en 2020
« Après le diagnostic, j’ai subi une prostatectomie radicale. Conséquences de l’opération : incontinence et impotence. C’était difficile à supporter, je me sentais menacé dans ma virilité et j'avais peur que ma conjointe me quitterait si nous n'avions plus de vie sexuelle. Tout ceci me préoccupait tellement que je ne me rendais pas compte que c’était plutôt moi qui m’éloignait et évitait toute intimité. Jusqu’au jour où ma conjointe disait qu’elle ne supportait plus de vivre ensemble comme « frère et sœur » et insistait à aller voir une psychologue-sexologue à la Fondation Cancer. Heureusement qu’elle a insisté, cela a tout changé. Le dialogue ouvert et l’écoute lors des consultations de couple nous ont permis de nous rapprocher et de revivre une relation intime. La communication a été primordiale pour reprendre une activité sexuelle. A presque 60 ans, nous nous sommes redécouverts l’un l’autre. Il y a une vie sexuelle après le cancer, et oui, elle est différente d’avant, mais elle est aussi belle. »
Les suites d’une prostatectomie radicale, (l’ablation totale de la prostate) peuvent avoir divers impacts sur la santé sexuelle de l’homme :
- Incontinence et problèmes d’érection (temporaires ou définitifs)
- Absence d’éjaculation et la stérilité affectent souvent l’estime de soi
- Le mythe de la virilité et la pudeur, dont les hommes sont souvent prisonniers, constituent un obstacle supplémentaire à la santé sexuelle
Les effets indésirables des traitements
Tout traitement contre le cancer peut avoir un impact indésirable sur la santé sexuelle.
La chimiothérapie ainsi que la radiothérapie pelvienne peuvent impacter les organes reproducteurs et affecter la qualité des spermatozoïdes ou des ovules, entraînant ainsi une stérilité temporaire ou définitive. L’hormonothérapie met temporairement ou définitivement fin à la fertilité. Si vous avez un désir d’enfant, parlez-en à votre médecin avant le début des traitements afin de mettre en place des mesures pour préserver votre fertilité.
L’hormonothérapie induit la ménopause chez la femme et l’andropause chez l’homme, ce qui entraine une diminution des hormones sexuelles et peut amener à une baisse de la libido. Radiothérapie pelvienne, chimio- et hormonothérapie peuvent provoquer une sécheresse vaginale chez la femme, souvent à l’origine de douleurs lors de la pénétration. Le gynécologue peut proposer des lubrifiants et crèmes hydratantes.
Radiothérapie pelvienne, chimio- et hormonothérapie peuvent entraîner des troubles érectiles chez l’homme. L’urologue ou un sexologue clinique peuvent apporter des conseils.
Les neuropathies, engourdissements et picotements suites à une chimio- ou radiothérapie peuvent rendre le toucher désagréable, même douloureux et ainsi entraver l’échange de tendresses et caresses.
La sexualité est bien plus que le rapport sexuel et ne se limite pas à la pénétration. Elle regroupe des aspects à la fois physiques, émotifs, sociaux, spirituels et culturels. Ce sont des sensations et perceptions rattachées à notre identité, notre estime de soi et image corporelle en tant qu’homme ou femme. Des habitudes de la vie quotidienne et des rituels intimes, qu’on soit en couple ou non. Elle est surtout très individuelle, il y a autant de façons de vivre sa sexualité qu’il y a d’individus, elle diffère selon qu’on est un homme ou une femme, l’âge, le corps et l’image corporelle qu’on a de soi.
Redécouvrir une sexualité épanouie
La vie intime ne se résume pas au rapport sexuel. Caresses, baisers, massages, masturbation ou rêves érotiques contribuent à son équilibre. La sexualité renforce la relation amoureuse, la confiance en soi et en l’autre, et peut apporter plaisir et réconfort. Pour ne plus être confiné au rôle de la personne malade.
La sexualité évolue au cours de la vie, osez parler de votre vécu, de vos émotions et vos problèmes à votre partenaire et/ou à un spécialiste en santé sexuelle. Mais surtout, parlez-en !
Ne vous mettez pas de pression ! Accordez-vous le temps d’accepter et d’intégrer les changements de votre image corporelle et de votre sexualité suite à la maladie.
Le but de la vie intime et sexuelle n’est pas l’érection ou l’orgasme à tout prix, mais de passer un bon moment et de partager du plaisir. Restez intime avec votre partenaire de différentes façons et préservez un contact physique proche, cultivez des bons moments seul(e)s et ensembles.
Restez flexible et ouvert(e) pour renégocier et redécouvrir une nouvelle norme de vie sexuelle. Cherchez des nouvelles pistes d’être intime en adoptant des pratiques sexuelles non-coïtales. Abandonnez le mythe coïtal du rapport sexuel et ne vous limitez pas qu’à la pénétration, sinon la sexualité reste limitée.
La confiance et la communication sont les clés d’une sexualité épanouie
Un sexologue est un professionnel de santé (médecin, sage-femme, psychologue …) spécialisé dans la prise en charge médico- ou psycho-sexuelle des troubles sexuels. Un onco-sexologue est formé pour aider en cas de problèmes affectant la santé sexuelle pendant et après un cancer.
Si vous vous sentez concerné(e) ou avez des questions, contactez le service psychosocial de la Fondation Cancer pour une consultation onco-sexologique.