On considère communément que les chances de guérir d’un cancer de la prostate détecté à un stade précoce sont élevées. Le risque de développer ce type de cancer, plutôt faible avant 50 ans, s’accroît avec l’âge et évolue alors lentement, souvent sur des années. Limitée au départ à la prostate, la tumeur maligne peut se propager à d’autres organes, comme le foie et les poumons, ou encore les os. Ce cancer peut être sournois, comme Gilbert Rischette en a fait l’expérience il y a deux ans. Il avait 60 ans lorsqu’on a diagnostiqué chez lui un cancer de la prostate, du jour au lendemain. « Cela m’a complètement déstabilisé, confie-t-il. Je n’avais jamais été malade et j’avais toujours eu une activité physique. » Un besoin fréquent d’uriner la nuit lui avait mis la puce à l’oreille. « J’avais aussi remarqué pendant les rapports sexuels que quelque chose n’était pas normal », dit-il très ouvertement. Il conseille aux autres hommes d’être plus attentifs à ces symptômes et de ne pas les prendre à la légère car, une fois le diagnostic posé, un véritable marathon de soins a débuté pour lui. Son médecin traitant lui a prescrit une analyse sanguine du taux d’antigène prostatique spécifique (PSA), quirenseigne sur les anomalies prostatiques. Le taux extrêmement élevé de 22 ng/ml laissait supposer l’existence d’un carcinome prostatique.
« Une échographie, un toucher rectal, puis une imagerie par résonance magnétique (IRM) et une biopsie, dont les douze échantillons étaient tous positifs, ont confirmé le diagnostic de cancer », rapporte Gilbert Rischette. L’équipepluridisciplinaire du Prostatakarzinomzentrums (PKZ) de l’Hôpital Kirchberg a, très vite, décidé avec lui de pratiquer l’ablation de la prostate et d’un ganglion lymphatique suspect.
Gilbert Rischette, à propos du soutien que lui apporte le groupe d’entraide.
Mais son cancer étant très agressif, Gilbert Rischette a bénéficié de 34 séances de radiothérapie au Centre National de Radiothérapie François Baclesse à Esch/Alzette. « Cela détruit une grande quantité de cellules des tissus, et le corps a besoin de beaucoup d’énergie pour surmonter cela. » C’est ainsi qu’il explique son gros coup de fatigue après un jogging quelques semaines plus tard. Ce n’était pas seulement les effets secondaires de la radiothérapie comme des infections intestinales ainsi que des éruptions cutanées (dues au stress), qui l’inquiétaient. « J’étais complètement amorphe et je ne me sentais pas en forme du tout », poursuit-il, l’air abattu.
Il a pris contact avec le groupe d’entraide en août 2020. « Il m’apporte un soutien précieux. Le sport m’aide beaucoup à surmonter la situation, mais parler avec des personnes vivant la même chose me remonte le moral », explique Gilbert Rischette. Le cancer de la prostate est très perturbant et les réunions permettent d’obtenir des réponses à des questions auxquelles les médecins avaient répondu trop rapidement. Les personnes affectées par ce cancer rendent compte de la manière dont elles surmontent la maladie, parlent de leurs progrès mais aussi de leurs revers et de leurs peurs, et donnent de précieux conseils. « Les réunions donnent le courage nécessaire pour surmonter sa timidité et son sentiment de honte », confie Gilbert Rischette. Pour éviter que l’ablation totale de la prostate n’entraîne une incontinence urinaire, Gilbert Rischette a suivi, aussitôt après l’opération, une rééducation spécifique du plancher pelvien pour renforcer le sphincter de l’urètre. La prostatectomie a par ailleurs entraîné une perte de la libido. « Depuis l’opération, je ne peux plus avoir une érection de manière normale, mais on s’y fait », dit le patient. Le traitement hormonal qui sert à bloquer la production de testostérone, pour « affamer » les cellules cancéreuses, a aussi pour conséquence des sautes d’humeur, ce qui affecte normalement plutôt les femmes « Mais, dans notre groupe, on ne parle pas uniquement de cancer, dit-il en riant. Parler d’autres choses fait oublier la maladie, même si l’on peut se voir uniquement par visioconférence à cause du Covid. »
Gilbert Rischette souligne qu’il est essentiel d’être parfaitement informé afin de mieux comprendre la maladie et ses conséquences. Il déplore l’absence de campagnes de sensibilisation au cancer de la prostate. Souvent, les hommes savent peu de choses sur cette maladie et ont même honte car le cancer de la prostate est encore un sujet tabou. Les questions posées au sein du groupe l’ont montré.
Comprendre ce qui vous arrive
Mario Perreira le confirme. Il avait seulement 57 ans, et était donc un patient très jeune au regard des statistiques, lorsqu’après des analyses révélant un taux de PSA élevé, une IRM et une biopsie, le diagnostic de cancer de la prostate est tombé. Lors de l’opération, les médecins ont constaté que la tumeur était plus grosse qu’ils ne l’avaient supposée, maisaussi qu’elle était agressive et avait commencé à métastaser. « J’ai donc dû subir une radiothérapie, alors que je voulais justement l’éviter par l’ablation totale de l’organe », rapporte Mario Perreira.
Il est toujours en traitement chez son urologue, car son cas requiert une hormonothérapie post-opératoire, qui dure environ deux ans. «L’hormonothérapie est terrible, parce qu’on ne se rend pas tout de suite compte de ce qu’elle fait à l’intérieur du corps – elle bouleverse tout le métabolisme », explique Mario Perreira. Par exemple, il ne peut plus marcher aussi vite et aussi longtemps qu’avant. « La tête va bien, mais pas le corps », déclare-t-il, légèrement résigné.
Mario Perreira à propos de l’échange d‘informations
Son kinésithérapeute à l’Hôpital Kirchberg lui a conseillé de participer aux réunions qui ont lieu sur place avec des hommes qui luttaient contre la même maladie. « Ce groupe a été créé il y a environ deux ans à l’initiative de Patrick Krombach, urologue et coordinateur du Prostatakarzinomzentrums », précise Alphonse Massard, qui souffre également d’un cancer de la prostate et participe pour cette raison à un programme de suivi spécial. « Certains patients ne sont plus jamais revenus une fois qu’ils ont eu obtenu les réponses à leurs questions, mais cinq à six personnes ont continué de se réunir régulièrement. C’est ainsi que le groupe d’entraide pour personnes atteintes d’un cancer de la prostate a “pris forme“ », ajoute-t-il.
Pour permettre aux personnes intéressées de se rencontrer en dehors du milieu hospitalier, la Fondation Cancer a accueilli ce groupe d’entraide dans ses locaux, implantés dans la capitale. Selon Alphonse Massard, le Dr Krombach continue de jouer son rôle de médecin-conseil et d’autres urologues collaborent avec la Fondation Cancer. Des kinésithérapeutes et une personne du service Accompagnement et pastorale à la Zithaklinik devraient y participer dans le futur. « C’est un petit groupe de patients qui échangent sur leurs expériences, dit Mario Perreira. Il est plus facile de parler à des personnes qui sont dans la même situation que vous. Elles comprennent mieux les effets du traitement, qu’on ne comprend pas toujours soimême. Les explications médicales supplémentaires sont très utiles.
Il a commencé à s’intéresser au cancer de la prostate lorsque son père en a été atteint. « C’est seulement lorsque j’en ai été moi-même atteint que j’ai vraiment compris ce que c’est », résume-t-il. Il conseille aux hommes de faire régulièrement un dosage du PSA. « C’est un des principaux signaux d’alerte. » Les hommes ne sont pas toujours conscients qu’ils peuvent avoir un jour un cancer de la prostate, objecte Mario Perreira. « Il faudrait parler davantage de la maladie. » Presque tous les cabinets médicaux et hôpitaux proposent en libre-service des dépliants « au ruban rose » qui sensibilisent au cancer du sein. Il n’en voit jamais de comparables pour le cancer de la prostate. « Alors que cette maladie est prise très au sérieux au Luxembourg, souligne-t-il. On peut la soigner, on n’en meurt pas forcément. »Gilbert Rischette n’est pas non plus au bout de son combat.
Un examen de contrôle a révélé une nouvelle hausse de son taux de PSA. Un Pet-Scan effectué à Trêves a confirmé la présence de métastases. « Un PET scan est bien plus précis, mais on ne le pratique pas systématiquement parce que cela n’entre pas dans les prestations prévues par la Caisse Nationale de Santé », déplore-t-il. Cet examen a permis de détecter la présence de micrométastases dans ses vertèbres, qui étaient à l’origine du taux élevé de PSA. « Cette nouvelle m’a littéralement assommé, c’est de nouveau une course contre la montre », explique Gilbert Rischette. « Le groupe m’apporte un soutien considérable, et je peux aussi lui apporter quelque chose. » Gilbert Rischette et Alphonse Massard suivent en effet une formation auprès de la fédération allemande des groupes d’entraide pour personnes atteintes d’un cancer de la prostate Bundesverband Prostatakrebs Selbsthilfe e. V., afin d’animer de manière appropriée le groupe d’entraide. « C’est comme une nouvelle vocation d’aider les autres en faisant part de mon expérience, se réjouit Gilbert Rischette. Le cancer de la prostate n’a hélas pas encore de lobby. »
Informer et redonner du courage
Le groupe d’entraide pour personnes atteintes d’un cancer de la prostate permet, en toute discrétion, aux personnes touchées de s’informer sur leur maladie et de partager leur expérience et leurs préoccupations.
La participation au groupe est gratuite, il vous suffit de vous inscrire.
La Fondation Cancer a appris avec tristesse le décès de Gilbert Rischette peu après publication de cet article. Nous nous souviendrons de lui par son engagement exemplaire au sein du groupe d’entraide pour les patients atteints d'un cancer de la prostate. Nos pensées accompagnent sa famille.