Qu'est-ce que le PSA ?
Le PSA ou Prostate Specific Antigen est une protéine contenue dans les cellules prostatiques et impliquée dans la fluidification du liquide prostatique et donc de l’éjaculation. Quand une cellule prostatique arrive à la fin de sa vie (mort programmée ou apoptose), elle est détruite et libère ainsi son PSA dans la circulation sanguine.
Ainsi un taux élevé de PSA peut avoir plusieurs explications:
- une infection ou un “traumatisme” (p. ex. faire du vélo, toucher rectal,...) peut entrainer la destruction de plusieurs cellules prostatiques et la libération de PSA dans le sang. Ce taux reste alors élevé durant un à deux mois avant que le PSA soit éliminé, cette protéine étant par ailleurs complètement inoffensive.
- une volumineuse prostate correspond à un nombre de cellules prostatiques plus élevées, et donc à un taux de PSA plus élevé.
- une tumeur maligne est un amoncellement de cellules présentant des anomalies génétiques, qui se divisent de façon incontrôlée et qui n’ont plus la capacité d’être détruites par mort programmée (apoptose). Ces cellules sont détruites avant la fin de leur maturation libérant ainsi du PSA dans la circulation sanguine.
Ainsi le PSA peut, dans certains cas, être un indicateur de la présence d’une possible tumeur maligne de la prostate. Cette dernière est la tumeur maligne la plus fréquente chez l’homme.
Historique
La première description histologique du cancer de la prostate a été rapportée en 1853 par J. Adams qui était chirurgien à Londres. Dans son premier rapport, Adams décrit la maladie comme étant « rare ». Avant la découverte du PSA, au début des années 80, les cancers de la prostate étaient découverts lorsqu’ils se manifestaient par des symptômes cliniques, ceux-ci traduisant en général un stade déjà avancé de la maladie et un faible espoir de guérison. Le marqueur tumoral PSA a amélioré la situation ; les tumeurs sont depuis découvertes à des stades beaucoup plus précoces permettant ainsi un traitement plus efficace et un meilleur taux de guérison.
La technique opératoire, la “prostatectomie radicale” s’est alors développée ou même adaptée. La première prostatectomie radicale telle que décrite en 1904 par Hugh Hampton Young était une intervention chirurgicale lourde avec de nombreuses complications potentielles parfois mortelles : saignements, incontinence désastreuse... Ce fut le docteur Walsh qui, dans les années 80, a révolutionné cette intervention en décrivant précisément une nouvelle technique chirurgicale grâce à ses travaux d’anatomie du petit bassin. Celle-ci a permis de prévenir les saignements importants et améliorait la continence postopératoire. Par la suite s’est développée la chirurgie mini-invasive laparoscopique puis, plus récemment, la chirurgie par assistance robotique.
Le cancer de la prostate
Le cancer de prostate est une pathologie très hétérogène avec des formes plus ou moins agressives. En 1995, le docteur D’Amico a proposé un système de classification reposant sur l’examen clinique de l’urologue, l’agressivité des cellules tumorales prélevées lors de la biopsie de la prostate et le taux de PSA. Ainsi, ont été décrits trois groupes : le cancer de la prostate à bas risque, à risque intermédiaire et à haut risque. Les formes de loin les plus fréquentes, à bas risque et risque intermédiaire, n’évoluent que lentement et les décès imputables à ce type de cancer ne surviennent, dans la majorité des cas, qu’entre 10 à 15 années après le diagnostic initial.
Le diagnostic
Le diagnostic de cancer se fait devant une suspicion clinique ou biologique : soit un nodule dans la prostate perçu par le toucher rectal, soit un taux de PSA élevé sans autre cause identifiée. Pour affirmer la présence d’une tumeur, il faut dans tous les cas réaliser une biopsie de la prostate, c’est-à-dire aller chercher des cellules prostatiques avec une aiguille pour les analyser sous un microscope. Il y a plus de 20 ans ce geste se faisait “à l’aveugle”, l’urologue guidait l’aiguille avec son doigt et prenait autant de biopsies qu’il jugeait nécessaire. L’anatomopathologiste qui analysait les biopsies pouvait affirmer ainsi la présence ou l’absence de cancer, il fallait se fier au doigt de l’urologue ! Le développement de l’échographie a permis dans certains cas de mettre en évidence une partie de la tumeur et ainsi de guider l’urologue dans la biopsie. La biopsie guidée par échographie est devenue la méthode de référence dans les recommandations internationales. Aussi, le nombre de biopsies à prélever a été standardisé, le tout permettant à l’urologue d’avoir une caractérisation beaucoup plus précise de la tumeur présente chez le patient : taux de PSA, taille du nodule au toucher rectal, image échographique de la tumeur, nombre de biopsies présentant des cellules cancéreuses, tumeur agressive ou non.
Le dépistage
Le dépistage du cancer de la prostate ou dosage systématique du PSA a souvent été la cible de critiques et reste le sujet le plus débattu en oncologie urologique. Concomitant aux innovations décrites ci dessus, la notion de “surtraitement” a émergé dans la communauté médicale. Ceci signifie que des patients traités pour leur cancer de prostate ne seraient éventuellement pas décédés de leur cancer mais d’autres problèmes de santé et que donc beaucoup de traitements par radiothérapie ou chirurgie n’auraient pas forcément été nécessaires. C’est à ce stade qu’une médecine plus personnalisée est née au début des années 2000. Le concept de surveillance simple ou “surveillance active” est né.
Deux études de grande envergure, la PLCO (Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian (PLCO) Cancer Screening Trial) et la ERSPC (European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer) ont contribué à une discussion fondamentale sur le PSA.
En effet, une interprétation des résultats au bout de trois à cinq ans a révélé qu’aucun bénéfice de survie n’était à attendre d’un dosage de PSA, seul persistait donc un risque de surtraitement avec tous les effets secondaires associés. En 2009, la publication donc précoce des résultats de cette étude a déclenché, au sein des sociétés savantes médicales du monde entier, de vifs débats autour de la notion du surtraitement du cancer de la prostate avec l’émergence d’une campagne médiatique s’opposant farouchement au dépistage de ce cancer et donc aussi au dosage du PSA.
Aux Etats-Unis, la commission US Preventive Services Task Force (USPSTF), se basant sur les résultats initiaux de l’étude PLCO, allait même en 2008 jusqu’à s’exprimer défavorablement au dosage systématique du PSA pour les patients âgés de plus de 75 ans, puis, en 2012, pour tout groupe d’âges . L’étude européenne ERSPC ne permettait pas à ce stade précoce de mettre en évidence une amélioration du pronostic dans le groupe de patients dépistés par un dosage de PSA.
Cette décision de l’USPSTF s’est traduite par une augmentation des cas de cancer de prostate métastatiques et localement avancés. Aux Etats Unis, le cancer de la prostate représente maintenant la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme (3e place dans tous les autres pays dits “développés” au monde, y compris le Luxembourg). Plus tard, une analyse plus poussée des données de l’étude PLCO a montré qu’une grande partie des probants supposés ne jamais avoir eu un dosage de PSA s’était en fait fait doser le PSA quand-même : le taux de “contamination” dépassait les 80 % et les données étaient donc ininterprétables.
Par la suite, l’étude européenne ERSPC a finalement montré que le dépistage permettait d’augmenter la survie des patients diagnostiqués d’un cancer de prostate trouvé à un stade localisé (risque de décès réduit de 37 % à 14 ans). Ce n’est qu’en 2017 que la USPSTF est revenue sur la recommandation initiale contre le dosage systématique du PSA.
De plus, deux nouveaux outils ont fait évoluer les pratiques : l’IRM (imagerie par résonance magnétique) dite multimodale de la prostate et la chirurgie robotique.
Avec l'IRM
Avec l’IRM, la communauté médicale dispose depuis maintenant une petite dizaine d’années d’un instrument qui permet de visualiser un grand nombre de ces tumeurs prostatiques, notamment les tumeurs agressives et donc relevantes pour le patient. Ces images permettent d’éviter potentiellement des biopsies non nécessaires mais aussi de mieux guider une biopsie de la prostate en cas de cible identifiée. L’urologue peut alors aller prélever des cellules dans la partie centrale de la tumeur, là où cette dernière est souvent la plus agressive. On obtient ainsi une meilleure évaluation de la tumeur effectivement présente chez le patient. Ainsi, les biopsies guidées par IRM ne trouvant pas de cellules très agressives permettent une approche non chirurgicale basée sur des arguments solides. A l'inverse, le risque de minimiser à tort l’agressivité de la tumeur est lui-aussi réduit.
La chirurgie robotique
La chirurgie robotique est apparue depuis maintenant presque vingt ans et s’est développée de façon spectaculaire, surtout en urologie. Elle permet une chirurgie beaucoup plus précise et on observe une courbe d’apprentissage réduite de même que le taux de complications associées. Un chirurgien moins expérimenté peut reproduire les mêmes résultats qu’un chirurgien très expérimenté opérant de façon conventionnelle, dite “ouverte”. Un chirurgien très expérimenté sur le robot est donc une situation idéale pour ces patients pour lesquels une intervention chirurgicale représente une “option thérapeutique” raisonnable.
En 2021, on peut ainsi affirmer que le dosage du PSA n’est pas superflu ou même risqué. Celui-ci est utile et sans risque s’il est “bien” interprété et sans pour autant être répété en excès. Grâce aux récentes publications, de nouvelles stratégies de “dépistage” du cancer de la prostate sont en train de naitre. Certains patients présentant des facteurs de risque nécessitent éventuellement une surveillance plus rapprochée (tous les ans), d’ autres, à très faible risque ne nécessitent peut-être qu’une surveillance tous les quatre à cinq ans (ou pas du tout ?).
Tout comme le traitement, le dépistage peut se faire lui-aussi de façon personnalisée. Avec les progrès dans les techniques de séquençage (lecture du “code” génétique), on peut espérer que dans le futur, émergeront des marqueurs qui pourraient nous donner une probabilité de survenu de cancer individualisé pour chaque patient. De même, dans le traitement du cancer de la prostate, on pourra peut-être dans le futur proposer des traitements et plans de soins personnalisés.
En 2021, on peut ainsi affirmer que le dosage du PSA n’est pas superflu ou même risqué.
Auteurs de l'article :
- Dr Patrick Krombach, médecin spécialiste en urologie, Groupe Urologique Kirchberg
- Dr José Batista Da Costa, médecin spécialiste en urologie, Groupe Urologique Kirchberg